Quitter les quartiers Nord
Assassiné dans la nuit du 24 au 25 octobre 2015 au pied d’un immeuble de la cité des Lauriers (13e ardt), Mohamed A., 15 ans, avait pourtant déménagé quatre ans plus tôt à Rennes pour échapper à la violence des quartiers Nord.
C’est à 2h40 que Mohamed A. est retrouvé mort, dans le hall d’entrée D du bâtiment B des Lauriers. Son corps gît à côté de ceux de Kamal Z. (15 ans) et Abdelmalik A. (24 ans). Selon La Provence, les trois jeunes hommes ont été les victimes d’une fusillade dont ils n’étaient pas les cibles initiales. Ce soir-là, les assaillants cherchaient une personne dont on ignore jusqu’à présent l’identité. Les auteurs présumés sont montés dans l’immeuble pour trouver leur cible, sans succès d’après l’AFP. Et c’est en redescendant qu’ils ont ouvert le feu sur les trois jeunes hommes désarmés.
Au mauvais endroit, au mauvais moment ? La question n’est pas encore élucidée pas les enquêteurs. Pour rendre hommage aux trois victimes, une marche blanche a été organisée le 7 novembre. Elle a rassemblé 700 personnes selon les organisateurs, comme le rapporte Le Figaro. Le quartier des Lauriers, endeuillé, a pu y exprimer son ras-le-bol des meurtres et du trafic de drogue. Mais également sa volonté de faire changer les choses.
Répartition des logements sociaux du 13e arrondissement
LIRE AUSSI : “En première ligne : mourir à 18 ans dans les quartiers nord de Marseille, de Mahauld Grenier”
Pour éviter l’engrenage des trafics, quitter les quartiers nord
Antoine Maggio, élu Front national des 13e et 14e arrondissements délégué au logement, explique que les familles expriment régulièrement à la police, aux élus et à leurs bailleurs sociaux leur souhait de quitter le quartiers. Mais les procédures sont longues, et parfois vaine.
Un journaliste marseillais spécialiste de ce type d’affaires, insiste sur ces problèmes de logement : « ce n’est pas une envie c’est une nécessité. De nombreuses familles veulent partir mais elles ne peuvent pas. Il y a ceux qui sont victimes de règlements de compte et qui ne veulent plus rester et il y a ceux qui parlent à la police et qui après sont visés par les trafiquants qui doivent partir ».
Selon le rapport rédigé en mars 2015 par l’Observatoire régional de la Délinquance et des Contextes sociaux (ORDCS), 52% des personnes interrogées à Clos la Rose (13e arrondissement) et 45,5% à la Sauvagère (10e arrondissement) souhaitent quitter leur logement pour des raisons d’insécurité.
C’est le cas de la famille de Mohamed M., originaire d’un village au centre de Mayotte et installée dans la cité phocéenne depuis 1994. En 2011, la mère décide de quitter Marseille pour le quartier de Blosnes, à Rennes afin d’éloigner son fils Mohamed des « mauvaises fréquentations ». En septembre 2015, il est impliqué dans une affaire de voiture volée et finit par fuguer à Marseille, succombant à la fin tragique qu’on lui connaît, le 25 octobre 2015, comme l’indique la chaîne ultra-marine 1ère.
La Cité des grands Lauriers, 400 logements sociaux dans un immeuble - Les logements sociaux de ce grand-ensemble sont répliqués à l’identique
Le manque de sécurité remis en cause
Depuis son arrivée à la mairie, en mars 2014, Antoine Maggio, a reçu de nombreux riverains souhaitant quitter leur quartier : « Tout le monde veut partir des Lauriers mais personne ne veut y venir. La mairie des 13e et 14e arrondissements possède 6% du parc HLM, elle a des logements dans la Cite des lauriers et quand il y en a un qui se libère, personne ne veut venir. Le problème c’est que le 13e et 14e sont constitués de beaucoup de cités sensibles, quand survient une demande de relogement c’est pour se reloger dans un endroit pareil. Et si c’est pour quitter les Lauriers pour aller à Frais Vallon, beaucoup renoncent à déménager. Ce n’est pas tellement la qualité des logements qui prime dans cette décision que le niveau de sécurité des Cités ».
Car les logements sociaux en France répondent schématiquement à la même architecture, celle des grands ensembles. Ces quartiers qui se ressemblent et qui ont parfois les mêmes bailleurs (Habitat 13 ou Habitat Marseille Provence), connaissent les mêmes problèmes d’insécurité. Contactés, les bailleurs sociaux du 13e arrondissement n’ont pas donné suite à nos sollicitations.
Quand sortir des Cités n’est pas possible, trouver d’autres moyens de vivre dans la Cité
Certains trouvent toutefois le moyen de s’accomoder des difficultés liées à leur environnement. C’était le cas de Kamal Z. qui faisait partie du club de foot Loisir Malpassé (FCM) depuis 2014. Selon Othman Sahki, dirigeant du club, « le foot véhicule les valeurs de dépassement de soi et l’esprit de solidarité », et c’est par le foot que les jeunes enfants de Malpassé (quartier dans lequel se trouve la cité des Lauriers) réussissent à ne pas mettre un pied dans le trafic de drogue, tout en restant dans leur cité.
LIRE AUSSI : “Avoir 15 ans à la Cité des Lauriers », de Delphine Allaire”