C’est presque en homme ordinaire que Bernard F. se rend, mardi 19 mai, un peu avant 8h30, au service des Sports de la ville de Marseille. Il y travaille comme coursier depuis près de trente ans.

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Capture d’écran - vidéo AFP

Arrivé devant le bâtiment, ses viennoiseries à la main, un homme casqué lui tire plusieurs balles dans la tête et le thorax, avant de s’enfuir à moto avec un complice. Les balles proviennent d’un revolver de calibre .357 Magnum, précise une source policière.

Cette affaire aurait pu en rester à la rubrique “Faits divers”. Mais rapidement les élus d’opposition au conseil municipal pointent la situation professionnelle ambigüe de Bernard F., à la fois employé de la fonction publique et proche du grand banditisme. En quelques heures, les critiques virent à la controverse.

Le jour même de l’assassinat, le président du groupe PS de la ville de Marseille, Stéphane Mari, tweete : «L’homme abattu ce matin faisait partie du grand banditisme et était employé municipal à la mairie de #Marseille : comment est-ce possible ?». Revenant aujourd’hui sur cette période, il explique qu’il a été étonné que «la mairie de Marseille et son entourage aient été très choqués par ses mots». Selon lui, son seul souhait alors était d’interroger la population sur cette ambiguïté professionnelle.

M. Mari insiste sur le fait qu’il ne prétend pas détenir la clef du mystère et qu’il “n’accuse personne en particulier”. D’ailleurs certains élus socialistes ont eux-même déjà pratiqué une forme de clientélisme, estiment-il. Néanmoins plusieurs éléments le troublent, dans cette affaire : outre ses antécédents judiciaires, celui qui se faisait appeler «Petit Ber» était a priori très peu présent au service des sports de la ville.

Le 14 septembre dernier, la mairie de Marseille a répété sa ligne de défense s’agissant des différentes procédures judiciaires dans lesquelles Bernard F. était impliqué. Répondant à une question orale de Me Georges Maury, président du groupe Front National de la ville de Marseille, Jean-Claude Gaudin a expliqué que “la ville et son employeur n’ont pas eu d’attitude laxiste à son égard”, lui imposant des exclusions temporaires à chacune de ses condamnations passées.

Le maire de Marseille a ajouté que la ville avait même envisagé une révocation complète, la «sanction la plus sévère et définitive». Néanmoins le pourvoi en cassation de Bernard F. a eu un «effet suspensif« sur ses sanctions, obligeant la municipalité à demeurer «dans l’attente de son jugement imminent par la dernière instance pénale». «L’affaire est en cours”, confirme Caroline Pozmentier, déléguée à la sécurité publique et prévention de la délinquance dans une interview téléphonique : “Il faut laisser la justice faire son travail”.

La ville et son employeur n’ont pas eu d’attitude laxiste à son égard.

Jean-Paul Gaudin - Maire de la ville de Marseille (Conseil Municipal du 14 septembre 2015)

Le maire en vient pourtant à la politique. Au conseil municipal de septembre, Jean-Claude Gaudin a répondu aux critiques de ses opposants en leur renvoyant la balle : «Je n’étais pas maire de Marseille à l’époque». Le recrutement de Bernard F. au service des sports date il est vrai de mai 1987, époque à laquelle le parti socialiste était aux commandes de la ville. «Il y a 11.500 employés municipaux, il se peut qu’il y ait toujours quelqu’un qui ne se comporte pas bien», a ajouté M. Gaudin.

Maître Georges Maury, l’élu Front Nationam qui a questionné le maire en conseil municipal, considère aujourd’hui que ce dernier a «botté en touche» et raille qu’il soit «compliqué de mettre en mouvement une action disciplinaire contre un fonctionnaire». Invoquant le statut de fonctionnaire public, qui impose un casier judiciaire quasi vide (la plupart des condamnations pour crimes et délits sont interdites), il estime que les condamnations antérieures à l’affaire “Calisson”, toujours en cours, suffisaient à justifier sa révocation.

Je constate qu’il est compliqué de mettre en mouvement une action disciplinaire contre un fonctionnaire

Me Georges Maury - Président du groupe FN de la ville de Marseille (Interview 10 décembre 2015)

Selon Maître Maury, le seul fait que Berard F. ait tenté d’encaisser un chèque volé d’un montant de plus de 1,3 millions d’euros en 2003 aurait dû l’empêcher de travailler au service des sports de la mairie.