Identifier des cendres
Parmi les modes opératoires prisés dans les règlements de compte marseillais, figure celui de l’incendie. Popularisé sous le terme de « barbecue », il vise à faire disparaître un maximum de traces sur les lieux du crime. Un défi pour la police scientifique en charge de l’identification des victimes calcinées.
« C’est toujours pareil, un véhicule incendié est abandonné en rase campagne pour que l’incendie s’éteigne de lui-même et que les cadavres soient complètement dégradés», explique Bruno Sera, directeur adjoint du laboratoire de police scientifique de Marseille. Mode opératoire classique à Marseille, utilisé dans plusieurs crimes, à commencer par les règlements de compte. Plus le corps est carbonisé, plus l’identification de la victime s’annonce compliquée.
C’est d’ailleurs l’objectif recherché par les auteurs : contrecarrer le travail de la police scientifique. Stephane Querré criminologue explique : « Il y a deux techniques qui sont apparues avec le développement de la police scientifique. L’extincteur qui effacerait les traces ADN et le barbecue qui est la technique la plus directe. Elle élimine un maximum de traces qu’on a laissé sur la victime et permet de retarder l’identification”.
Samedi 29 novembre: une Ford Fiesta incendiée dans le quartier de la Batarelle (13e ardt). Au fond du coffre, un jeune homme brûlé, pieds et poings liés. L’arrivée des pompiers est déterminante pour la suite de l’enquête. Ce soir-là l’alerte est donnée assez tôt, le corps n’est pas entièrement dégradé, comme dans la plupart des règlements de compte. Sur les 20 crimes de cette catégorie recensés par la police judiciaire de Marseille, 2 relèvent du « barbecue ».
Sur les lieux du crime, les Officiers de police judiciaire (OPJ) interviennent pour réaliser les prélèvements aux côtés d’un médecin légiste. L’autopsie est également réalisée dans les 24 à 48h après la découverte du corps. Elle permet d’en apprendre plus sur les causes de la mort.
Les traces digitales restées intactes, les poils ainsi que chaque objet du véhicule ou de la victime qui n’a pas été touché par les flammes, sont relevés, placés sous scellées et envoyés au laboratoire de police de Marseille. La division de l’identification se charge de l’analyse des prélèvements. « On est une dizaine d’experts en biologie génétique à travailler sur un cas, analyser les empreintes digitales quand elles sont disponible et les traces ADN », explique Bruno Sera.
Problème : les corps calcinés rendent difficile l’analyse des empreintes digitales. « Les mains et le corps sont les premiers membres à être impactés par le feu et sont donc rarement exploitables», confirme Bruno Sera. Quand le corps est trop calciné, il est impossible d’extraire de l’ADN cellulaire. Les experts tentent alors l’extraction d’ADN mitochondrial qui nécessite des techniques plus complexes.
Fichage et coordination
L’identification peut alors durer longtemps. «Dans les cas d’urgence, néanmoins, on peut parvenir avec du sang ou un peu de muscle à une empreinte digitale en 48h », explique Bruno Sera. Elles sont alors transmises au Ficher Automatisé des empruntes digitales (FAED).
C’est le procureur qui se charge ensuite de saisir ce fichier pour comparer les analyses du laboratoire de police avec les empreintes déjà enregistrées.
Lorsque la personne n’est pas connue des services de police, le laboratoire peut procéder à des comparaisons sur les prélèvements génétiques d’antécédents, des proches potentiels de la victime. «Pour cela, il faut avoir des informations sur l’environnement de la victime, regarder du côté des déclarations de personnes disparues», explique Bruno Sera.
Dans les cas extrêmes, où le degré de calcination du corps est trop élevé pour réaliser une identification, on procède à une analyse dentaire. Dans les cas de règlements de compte, néanmoins, cette méthode est très rarement utilisée. L’identification est toujours réalisée, même si elle est retardée. Un délai dont l’impact psychologique sur les victimes et leurs proches profite aux criminels.