Au beau milieu de l’été, un crime aux allures de règlement de comptes a été commis à Beaumont, un quartier calme du 12ème arrondissement de Marseille. Habitants et élus sont partagés entre confiance et résignation.

Les clients font la queue devant la boulangerie. La petite terrasse aux murs jaunis du « Rotonde Bar » est à moitié remplie et le soleil est déjà haut dans le ciel sans nuages de Marseille, raconte Sylvie, qui a assisté à la scène et accepté de la raconter par téléphone, sous couvert de l’anonymat.

Ce devait être une journée splendide. Vers 9 heures, jeudi 6 août 2015, deux hommes à moto s’arrêtent près du bar, avenue du 24 avril 1915, une zone pavillonnaire de l’est marseillais. L’un attend reste sur sa moto, l’autre descend. Il porte une perruque et fait des allers et retours entre le bar et la terrasse.

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Un jeune homme qui le voit passer à cinq reprises le salue deux fois. Aucune réponse, rapporte la Provence. Entre-temps, arrive un homme d’une cinquantaine d’années portant une chemise bleu-gris et un jean clair, selon des photos de la scène de crime. Lui aussi est à moto. Il entre dans le bar sans même retirer son casque noir.

C’est Robert B., fiché au grand banditisme. Il est connu depuis 30 ans pour des vols de voiture, un vol aggravé et pour avoir participé au fameux braquage d’un fourgon blindé Brink’s à Gentilly le 26 décembre 2000 avec une dizaine de malfaiteurs.

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Le « Rotonde Bar », avenue du 24 avril 1915 à Marseille. Google Street View

Il est également soupçonné d’avoir fait partie du commando qui a permis l’évasion d’Antonio Ferrara – une figure du grand banditisme condamné pour braquage et meurtre, suspecté de trafic de drogue – de la prison de Fresnes en 2003. Robert B. est en liberté depuis 2012.

Il est presque 9 h 40, lorsque l’homme, toujours casqué, ressort du bar et se dirige vers la petite boulangerie située juste en face. À peine commence-t-il à traverser que l’homme à la perruque sort un calibre 9 mm. Les habitants croient à un gros pétard. Il vient pourtant d’abattre à bout portant Robert B. d’une balle dans le dos. Calmement, l’assassin s’approche de sa victime qui vient de s’effondrer sur la route.

Nathalie, gérante d’un magasin voisin, raconte à l’AFP : “D’un coup, j’ai réalisé que la personne était en train de se faire tuer”. L’homme à la perruque a tiré huit balles, dont cinq dans la tête. Il s’enfuit ensuite avec son complice à moto. On ignore encore l’identité des suspects, indique une source policière. Mais comment les habitants réagissent-ils à ce crime commis en plein jour, en pleine ville ?

D’un coup, j’ai réalisé que la personne était en train de se faire tuer.

Nathalie - responsable d’un magasin voisin

Une cellule psychologique a été mise en place après le meurtre pour venir en aide aux témoins de la scène. Mais les riverains que nous avons contactés ne semblent pas inquiets pour leur sécurité. « C’est un quartier très calme, il n’y a que deux morts par ans », explique Valérie, une habitante de l’avenue adjacente de la Figone.

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Au premier plan le « Rotonde Bar » et la boulangerie à l’arrière plan. / Google Street View

Didier, qui habite un immeuble tout proche de la scène du crime, paraît résigné : « Ce sont des actes isolés. Vous savez, depuis que je suis en âge de raison, il y a toujours eu une vingtaine de morts par arme à feu dans la région ». Pour René Coulet, adjoint délégué au 12ème arrondissement et chargé de la sécurité, il n’y pas de mesure particulière à prendre après de tels événements : « Je ne vois pas pourquoi on demanderait un périmètre de sécurité quand des voyous se tuent entre eux ».

C’est un quartier très calme, il n’y a que deux morts par an.

Valérie - habitante à côté du lieu du crime

Les riverains ne semblent pas craindre que les règlements de compte s’exportent des quartiers Nord vers des zones rarement concernées par ce genre d’affaires. La délinquance à Marseille est en baisse, comme le souligne le directeur départemental de la sécurité publique, Pierre-Marie Bourniquel. Contacté par téléphone, il fait savoir que les moyens de surveillance sont revus régulièrement en proportion de la criminalité constatée.

M. Coulet confie que de nombreux habitants l’ont questionné sur la sécurité dans le quartier, dit-il. Impossible de faire des miracles, leur a-t-il répondu : « Il peut toujours y avoir des dommages collatéraux, et ça m’interpelle. Mais on est impuissants par rapport à cela ».