Le 6 août 2015, Robert B est tué par balles dans une avenue commerçante du 12e arrondissement de Marseille. Ce quinquagénaire n’était pas un inconnu des forces de police. Braqueur notoire, il était sorti de prison en 2012 et semblait préparer son prochain coup. Portrait d’une forte tête de la pègre marseillaise.

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Ses amis le surnommaient le “Petit Robert”. Il n’a pourtant rien d’un enfant de coeur. Fiché pour grand banditisme et surveillé par la police, il faisait partie des grands noms d’un réseau de braqueurs « à l’ancienne », fort d’une carrière de 30 ans dans la délinquance. Un parcours qui s’est achevé un matin du mois d’août dans une artère commerçante du quartier de Beaumont, quand deux individus ont tiré sur lui à huit reprises au calibre 9mm.

Le meurtre a tout d’un règlement de compte. Robert B évoluait en effet dans le « Milieu » marseillais, parmi ces truands qui sont les héritiers de l’âge d’or du banditisme de la French Connexion. Cette ancienne génération de bandits se distingue des jeunes trafiquants de drogue des cités du Nord de la ville, comme l’explique le criminologue Stéphane Querré, contacté par téléphone : « Les bandits à l’ancienne avaient plus de temps, une meilleure formation criminelle. Ils étaient moins pressés et moins désireux de gagner du fric rapidement. (…) La société change donc le milieu change aussi. »

Si les règlements de compte existent aussi chez ces vieux truands, ils sont souvent plus discrets :« Avant, on flinguait moins spectaculairement car aujourd’hui on utilise plus la kalachnikov que le 9mm, on arrosait pas comme on peut faire avec la kalach », ajoute le spécialiste. A Marseille, ce sont surtout les jeunes qui sont les principales victimes des règlements de compte (voir infographie). Le cas de Robert B est donc singulier.

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Le quinquagénaire était notamment lié à la “Dream Team”, ce gang de braqueurs qui sévit entre la France et l’Espagne. Il a également un lien trouble avec Antonio Ferrara, un bandit célèbre pour s’être évadé de prison à deux reprises. Les enquêteurs soupçonnent fortement Robert B. d’avoir aidé “Nino” Ferrara à s’échapper de la prison de Fresnes en 2003, selon La Provence. Les braqueurs Michel A et et Jean-Philippe B semblent également faire partie de ses relations dans le milieu du grand banditisme marseillais, selon la Dépèche.

Profession truand, spécialité braquages

Je ne peux pas être passé sur Paris le 26 décembre 2000, parce que, chez nous, le 26, c’est les santons. C’est aussi important que le 25.

Robert B - Braqueur

Comme les choses n’arrivent jamais vraiment par hasard, c’est une enfance difficile qui a mené Robert B sur cette voie. Selon un compte-rendu d’un procès tenu en 2009 sur le site de l’Obs, il a été placé à l’âge de cinq ans chez une voisine de son père. Celui-ci ne reprendra sa garde qu’en 1977, le jeune Robert a alors 14 ans. Cette cohabitation ne dure guère. Un an plus tard, il décide de vivre chez son frère. Côté études, la vie de Robert est tout aussi instable. Il finit par les interrompre lorsqu’il est exclu de son lycée professionnel pour vol de voiture.

C’est à l’âge de 26 ans, après le suicide de son frère, que Robert B. entre dans le grand banditisme. Les simples vols de voiture deviennent des vols à main armée et des vols aggravés. Robert B. aura passé plus de 20 ans en prison. Entre deux incarcérations, ce passionné de moto est mécanicien au noir. Certains soirs, il monte sur scène pour jouer de la batterie dans un groupe de rock.

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Robert B. a fait des braquages sa spécialité. En 2000, il participe à l’attaque d’un fourgon de la société de transport de fonds Brink’s à Gentilly. Dans cette affaire emblématique, environ 6 millions d’euros ont été dérobés par plusieurs membres de la fine fleur du banditisme marseillais. La police finit par retrouver une partie des membres du gang endormis sur des sacs de billets, les armes à la main. Sur le banc des accusés, on retrouve Karim M, Bruno C et Jean-Jacques N, membres de la fameuse « Dream Team ». Le charismatique Antonio Ferrara et le corse Joseph M sont également présents, et seront acquittés en appel, fautes de preuves suffisantes. Robert B. aura moins de chance. Son ADN, retrouvé sur les lieux, le trahit. Il tente de se défendre :« Je ne peux pas être passé sur Paris le 26 décembre 2000, parce que, chez nous, le 26, c’est les santons. C’est aussi important que le 25. » Il dit n’avoir commis « que des cambriolages de bijouteries et jamais des hold-up », selon des propos rapportés par Le Parisien. Robert B sera condamné à 9 ans de réclusion criminelle.

L’impossible réinsertion

On dit toujours que la délinquance, c’est à cause des parents. Mais quand j’ai décidé de faire une connerie, c’est moi qui l’ai décidé !

Robert B - Braqueur

En 2009, il se retrouve encore devant la cour d’appel de Paris pour le braquage manqué d’un fourgon blindé à Toulouse. Il est de nouveau aux côté de Antonio Ferrara, de Michel A et de Jean-Philippe B. Lors du procès, on lui demande quelle a été la période la plus heureuse de sa vie. Il répond :« Je ne dirai pas l’enfance, car je n’ai pas eu de parents. On dit toujours que la délinquance, c’est à cause des parents. Mais quand j’ai décidé de faire une connerie, c’est moi qui l’ai décidé ! », selon des propos rapportés par la journaliste Sylvie Véran. Condamné en assises à 11 ans, il est finalement acquitté en appel. Libérable en 2011, il sort de prison en 2012.

Lors du procès en appel, l’avocat général a déclaré que pour permettre à Robert B de se reconstruire et de trouver un travail, il fallait l’innocenter, toujours selon les chroniques judiciaires de Sylvie Véran. Mais il semble bien que Robert B n’a jamais abandonné ses affaires dans la pègre marseillaise. Il devait participer à un autre braquage de fourgon, qui a été déjoué par la police au début du mois de septembre par l’appréhension de neuf personnes, selon une informations révélée par Midi Libre et confirmée par Brice Robin, procureur de la République à Marseille. Leurs repérages sur la route des fourgons blindés en Haute-Savoie a mis la police sur leur piste.

Le gang a été déstabilisé et retardé dans ses projets par la mort de Robert B. : « On ne peut absolument pas vous dire si il a été assassiné par des membres de cette équipe ou des concurrents, c’est trop tôt… Ca a surtout stoppé dans l’élan notre équipe qui s’est un peu égayée dans la nature », a déclaré Brice Robin en conférence de presse. Les obsèques du bandit auraient donné lieu à une occasion pour la police d’identifier Jean-Philippe B, selon Le Parisien. Ce braqueur de 52 ans était sur le banc des accusés aux côtés de Robert B en 2009 lors du procès du braquage de Toulouse, pour lequel il a été inculpé et écopé de douze ans de prison.

La mort de Robert B. est-elle liée à cette nouvelle activité ? Lorsqu’il a été assassiné le 6 août 2015, Robert B. résidait dans le centre-ville de Marseille. Il était en liberté depuis trois ans. Selon un des proches de l’enquête qui s’est exprimé auprès de La Provence, “Les tueurs connaissaient son emploi du temps. Et le fait qu’il n’ait pas enlevé son casque peut laisser penser qu’il n’était pas tranquille ». Le truand, fan de moto, a quitté ce monde un casque vissé sur la tête.